Londonien depuis 2017, Alexandre Counis s’efforce de rendre l’actualité anglaise moins compliquée à suivre pour l’hexagone. Entretien avec le correspondant basé à Londres pour le journal « Les Echos ».
Londres Magazine : Comment traitez-vous l’actualité anglaise pour les Français ?
Alexandre Counis : J’essaie de voir ce qui peut intéresser les Français en fonction de ce qu’il se passe en France. Par exemple, je m’intéresse au financement du NHS ici, parce qu’il y a des reformes de santé en France. Il y a un appétit pour certains sujets aussi, notamment le Brexit, parce que c’est trop touffu, les Français ont besoin qu’on leur explique. Ensuite, ma ligne éditoriale est assez souple donc j’ai la possibilité de rédiger des petits papiers web qu’on présente le matin sur la sociologie d’un pays, cela permet d’élargir notre champ et de ne pas proposer que des papiers trop axés économie.
L.M. : Comment expliquez-vous le Brexit aux Français ?
A.C. : C’est difficile de savoir jusqu’à quel degré de détail il faut aller, mais parfois il faut rentrer dans la complexité parce qu’on ne peut pas tout simplifier. J’essaie d’expliquer les rapports de forces, le dessous des cartes, pour qu’ils comprennent vers quelle direction on va. J’essaie de donner des signaux, d’annoncer les décisions qui sont prises, quels courants sont dominants. Il faut aussi rétablir le vrai sur les idées reçues : est-ce qu’un deuxième référendum est crédible ou pas par exemple : pour la France, c’est oui, mais pour le Royaume-Uni il n’en est pas question. C’est le miroir déformant qu’on essaie de rétablir en étant ici. Bien évidement, il faut penser économie dans le Brexit, donc parler de l’impact sur le business des entreprises, est-ce qu’elles vont pouvoir s’approvisionner pareil… Et les articles sur le Brexit sont ceux qui marchent le mieux. Donc on essaie d’être réactif et très attentif sur ce sujet.
Alors que les législatives anticipées doivent se tenir le 12 décembre, une analyse de Datapraxis le crédite d'une majorité de 48 sièges, à 349 sièges contre 213 pour le Labour. Boris Johnson promet de ne pas augmenter les impôts sur le revenu https://t.co/4jTJ27u8xP
— Alexandre Counis (@alexandrecounis) November 24, 2019
L.M. : Comment se déroule la journée type du correspondant de « Les Echos » à Londres ?
A.C. : Alors, il n’y en a pas, ça change tout le temps (rires). Il y’a des journées où j’enchaîne les rendez-vous et où je peux commencer à écrire en deuxième partie d’après-midi, et il y’a des journées où c’est plus calme où je peux m’isoler pour écrire. Mais pour être plus précis, il y’a tout un travail de triage le matin : je me lève à 6h30, je lis le Financial Times jusqu’à 7h30, après je dois parler avec mon rédacteur en chef parisien, avec les chefs de services pour proposer des idées d’articles, et donc tout le calage des articles est fait de cette heure-là jusqu’à 9h30. Ensuite, ma journée commence avec soit des rendez vous, soit des temps d’écritures, et puis j’arrête à 18h. J’écris le dimanche matin aussi, pour le journal du lundi ! C’est un rythme soutenu parfois fatigant, mais j’ai une certaine souplesse donc je m’en réjouis.

Alexandre Counis dans son bureau improvisé chez lui à Londres, dans lequel il fait sa revue de presse tous les matins. CP/©Alexandre Counis
L.M. : Quel est l’événement londonien qui vous a le plus marqué ?
A.C. : Je suis allé une fois à une conférence de presse à la Banque d’Angleterre à… 4h30 du matin (rires). C’était pour l’ouverture des marchés, ils avaient fait un Stress Test Bancaire : on regarde comment les banques réagiraient si il y avait un choc économique violent, et la Banque d’Angleterre publie les résultats qui peuvent affecter les cours de bourses à 7h, l’heure à laquelle je peux publier mon papier. Cela m’avait marqué parce que je pense pas qu’en France on demanderait aux journalistes de venir à 4h30 pour une conférence (rires).
L.M. : Couvrez-vous seulement Londres ou aussi d’autres secteurs de l’Angleterre ?
A.C. : Non, j’essaie de sortir de Londres au maximum. Le Brexit m’a retenu un peu à Londres, parce qu’il y’a des moments où il y’avait trop de travail sur cela. Sinon j’essaie de me promener. Par exemple, récemment je suis allé dans le nord de l’Angleterre pour découvrir le travail des militants politiques. C’est un terrain que les conservateurs convoitent et il faut sortir de Londres pour voir comment les gens qui ont voté 70% Brexit pensent. A Londres il y a un côté déformant, il faut en sortir. Je ne le fais sans doute pas assez mais je le fais au maximum.
Si le gouvernement donne son feu vert, les voitures particulières roulant au diesel ne pourront plus pénétrer dans le centre-ville entre 7 heures et 15 heures à compter de mars 2021. Bristol, première cité britannique à interdire les voitures diesel https://t.co/wG556w6aVr
— Alexandre Counis (@alexandrecounis) November 7, 2019
L.M. : En quoi consiste la vie d’expatrié à Londres ?
A.C. : La grande différence avec Paris et la France, c’est qu’ici je suis seul niveau travail. Il faut que je prenne des décisions seul, il y’a un afflux de travail à gérer qui est différent aussi à ce niveau là. Après au niveau général, j’aime bien Londres, et surtout ses parcs. Celui où je vais le plus souvent c’est Hampstead Heath, vu que j’habite à Kentish Town. Je trouve la ville trop grande, c’est la seule remarque négative que j’ai à formuler sur Londres, sinon j’apprends plein de choses qui m’étonnent tous les jours. Cela ne faiblit pas depuis deux ans que je suis ici.
Milan Tinnirello