A l’invitation de la French Tech London et de la start-up Circle, Mounir Mahjoubi, Secrétaire d’Etat en charge du Numérique en France, a pu s’exprimer sur la diversité au sein des entreprises et plus largement sur l’avenir du secteur des nouvelles technologies. L’occasion pour la rédaction de Londres Mag de l’interroger sur les enjeux du numérique et l’importance de faire rayonner la French Tech dans le monde.
En quoi le numérique est-il un enjeu important pour le gouvernement ?
La transition numérique nous concerne tous : d’un côté, elle transforme en profondeur notre société, nos territoires pour améliorer la vie des citoyens. De l’autre, elle peut générer des inquiétudes et creuser certaines inégalités. Nous devons toujours penser les transformations dans un équilibre entre performance et humanité. C’est ma mission au sein de ce gouvernement.
Nous sommes convaincus que l’Etat doit accompagner la transformation numérique pour qu’elle soit une réelle opportunité pour notre pays. Et pas seulement sous l’angle économique, mais bien au-delà : pour que le numérique transforme nos façons d’apprendre, de travailler, d’échanger, de nous protéger, de nous déplacer, de nous soigner… C’est parce que nous assumons cette vision transverse que ce secrétariat d’Etat est désormais rattaché au Premier Ministre.
Quels grands projets envisagez-vous durant votre mandat pour développer le numérique en France ?
Nous avons quatre grands chantiers. Sur l’économie numérique c’est faire en sorte que nos start-ups aillent plus vite, plus loin, soient confrontées à moins de barrières au cours de leur développement. Parallèlement nous avons identifié des secteurs comme l’intelligence artificielle, la cybersécurité, la santé, l’énergie ou le transport, dans lesquels notre pays a de vraies chances d’être leader ; il faut aider les start-ups de ces secteurs à devenir des licornes.
Nous devons aussi réinventer l’action publique à destination des citoyens et des administrations. Avoir un accès unique à tous les services de l’Etat pour les Français, pouvoir faire toutes ses démarches en ligne et de manière sécurisée, ne rentrer ses informations qu’une seule fois et autoriser le partage de l’information entre administrations. FranceConnect rendra tout cela possible et permettra de dégager du temps qualitatif pour les agents de l’Etat.
Mais tout cela n’est possible que si nous accompagnons toutes celles et ceux qui sont aujourd’hui éloignés du numérique : citoyens, TPE, PME. Enfin, nous nous attachons particulièrement à garantir le respect des droits et libertés fondamentales des citoyens que le numérique peut parfois menacer. Ces sujets liés à la cybersécurité, à la transparence des plateformes, aux contenus en ligne, nous les traitons dans le cadre d’un grand chantier sur l’Ordre Public Numérique. La confiance est la clé de la réussite.
Plus précisément, pensez-vous que la France soit en retard sur l’adoption du numérique dans les écoles ? Quelle est votre politique sur le numérique au service de l’éducation des plus jeunes ?
L’éducation au numérique et à ses enjeux est une absolue nécessité, et ce dès le plus jeune âge. L’objectif n’est pas de faire de tous les enfants de futurs ingénieurs ou développeurs, mais bien de leur donner les bases pour comprendre ce qu’est une information en ligne, une donnée, comment elle peut être utilisée, modifiée, supprimée, etc. Cette réflexion doit dépasser le cadre de l’équipement en outils numériques dans les écoles pour se focaliser sur le sujet de la culture numérique.
À côté de cela, nous devons transmettre des connaissances techniques de base qui permettront à tous de choisir demain un métier innovant s’il le souhaite, en ayant un bagage minimum, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. À cet égard, nous avons travaillé avec le ministre de l’Éducation Nationale sur la réforme du bac pour que les questions numériques soient inscrites à la fois dans le tronc commun et en tant qu’option de spécialité, c’est un premier pas, mais il est déjà grand !
Malgré les chantiers nombreux auxquels le gouvernement français s’attelle, la France semble s’en sortir mieux que d’autres pays, y compris au sein de l’Union européenne. Comment la France peut-elle contribuer à combattre la fracture du numérique ?
Il faut faire du numérique une chance pour tous et, pour cela, accompagner et former les citoyens qui sont aujourd’hui coupés de ces outils. Prochainement je dévoilerai notre stratégie pour un numérique inclusif à destination des 13 millions de Français qui rencontrent des difficultés à utiliser le numérique. Nous mettrons en place, avec l’aide de tous les acteurs, un réseau d’accompagnement sur l’ensemble du territoire pour ceux qui en ont besoin et des formations aux outils et services numériques pour ceux qui le souhaitent.
En parallèle, il faut lutter contre la fracture numérique territoriale. La garantie d’une connexion fiable à Internet et au réseau mobile est une condition préalable au développement des usages. C’est tout l’enjeu du Plan Haut et Très Haut Débit que porte le gouvernement et qui garantira à tous, d’ici à 2020, un accès au bon débit et la généralisation de la couverture mobile de qualité et d’ici 2022, l’accès Internet à très bon débit et la dotation de tous les territoires d’infrastructures numériques de pointe.
L’écriture de la nouvelle feuille de route @LaFrenchTech se fera par et avec vous ! Face à de nouveaux enjeux continuons d’être innovants et créatifs : échanges à bâtons rompus avec les délégués des métropoles @LaFrenchTech ! pic.twitter.com/4Pa1gmk6Qb
— Mounir Mahjoubi (@mounir) April 26, 2018
La French Tech de Londres est une mine de talents français travaillant à l’international. En quoi ce label “French Tech” est important et comment contribue-t-il au rayonnement de la France partout dans le monde ?
L’initiative French Tech connaît un succès réel : une marque reconnue à l’international, la France représentait la 1ère délégation étrangère au CES de Las Vegas (Ndlr : grand salon de la high-tech) et 22 hubs French Tech sont labélisés à ce jour. Ces succès permettent de créer un écosystème français reconnu sur la scène internationale et d’accompagner nos start-ups pour conquérir le monde.
A Londres, l’écosystème de start-ups françaises était déjà actif avant le développement du dispositif : une communauté de plus de 4 500 Français travaillant dans la tech, plus de 350 start-ups… Mais les initiatives manquaient de coordination ; avec le Hub French Tech, ces initiatives sont désormais plus visibles et l’accompagnement des start-ups françaises désireuses de s’installer à Londres plus efficace.
Dans quelle mesure le gouvernement français soutient-il cette initiative des entrepreneurs français et quelles relations sont envisagées entre la French Tech et votre secrétariat d’Etat ?
La French Tech s’appuie sur les initiatives de ses membres – tous ceux qui travaillent dans ou pour les start-ups françaises – pour les valoriser. Elle constitue le symbole du succès de cette nouvelle façon de conduire des politiques publiques. Contrairement à la plupart des politiques de soutien aux entreprises, la French Tech passe pour l’essentiel par une marque collective, des entrepreneurs passionnés et des élus visionnaires. Je travaille au quotidien avec la French Tech et toutes les initiatives qu’elle porte : French Tech Diversité, French Tech Ticket, et nous aurons l’occasion dans quelques mois de proposer de nouveaux défis pour que cette marque continue toujours plus son développement.
De l’éclosion à l’envol, comment @LaFrenchTech peut accompagner nos startups en croissance. Discussion avec les directeurs délégués des métropoles French Tech, à suivre : on continue les échanges avec les entrepreneurs pour des annonces avant la fin du mois de mai ! Stay tuned ! pic.twitter.com/4VcQ6f6Ccg
— Mounir Mahjoubi (@mounir) March 27, 2018
Le dernier rendez-vous de la French Tech à Londres portait essentiellement sur le manque de diversité dans les nouvelles technologies. Quelles solutions envisagez-vous ?
La diversité sociale et la mixité dans la tech et l’entrepreneuriat constituent ma priorité. Aujourd’hui nous manquons cruellement de femmes et de jeunes issus des quartiers populaires dans ces milieux. Seuls 20 % des entrepreneurs sont des femmes et 50 % d’entre eux sont issus de grandes écoles. Nous devons absolument changer cela si nous voulons faire de la France un leader en Europe et dans le monde.
C’est la raison pour laquelle nous avons lancé le programme French Tech Diversité en mars 2017, afin de promouvoir la diversité sociale dans l’écosystème des start-ups en France. Le programme accompagne des projets portés par des entrepreneurs issus des quartiers de la politique de la Ville, par des étudiants boursiers, etc. Il a passé la phase d’expérimentation en Ile-de-France et verra son budget doubler dès 2018 pour garantir une extension du dispositif à l’échelle nationale !
Ce n’est pas uniquement un mythe : le secteur des nouvelles technologies est très majoritairement masculin. La Secrétaire d’Etat en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa et vous-même avez lancé un appel aux jeunes femmes pour les intéresser au numérique. Pourquoi pensez-vous que les femmes ne s’engagent pas dans ce secteur et qu’envisagez-vous pour féminiser ce secteur ?
On ne peut pas se satisfaire d’avoir si peu de femmes dans le secteur des nouvelles technologies en France. Pour y répondre, nous travaillons avec Marlène Schiappa, la Secrétaire d’Etat en charge de l’Egalité entre les femmes et les hommes et un collectif d’associations et d’entreprises engagées sur ces questions. Nous allons annoncer très prochainement un plan d’actions pour favoriser et développer la place des femmes dans le numérique. Nous proposerons des actions allant de la sensibilisation dès le plus jeune âge, école primaire, collège, lycée ; mais aussi à destination des étudiantes et des femmes qui souhaitent se reconvertir professionnellement. Une chose est certaine, plus de femmes dans le numérique, dans la tech, dans l’entrepreneuriat est une condition nécessaire et essentielle à la réussite de ce secteur.
Propos recueillis par Cypriane El-Chami