Laurent Tourondel fait partie de la galaxie des chefs français dont l’aura a dépassé les frontières. Ses restaurants à New York ou à Hong-Kong sont inscrits dans la liste des lieux à tester, au moins une fois dans sa vie.Après le Rockfeller Center, le cuisinier rajoute Londres dans son planisphère gastronomique. Sa nouvelle étape, sur l’élégante Regent Street, lui est aussi familière. De retour dans les cuisines de l’emblématique Café Royal, Laurent impose son nom, cette fois, en haut de l’affiche.
Une ode classique qui plaît à tous ses contemporains
S’inscrire au sein d’un patrimoine historique et au cœur d’une bâtisse légendaire n’est pas aisé, mais le pari est réussi, avec deux salles et deux ambiances. L’arrivée dans l’hôtel ne ferait pas ciller l’architecte de la rue, Josh Nash, avec une réception bouleversante en volumes. Le grand escalier finit d’époustouffler avec ses entrelacs et ses dorures, dont un grand N couronné, clin d’œil à Napoléon comme au concepteur initial du Café Royal, Daniel Nicols.
Pourtant pas de bataille de Trafalgar dans la salle centrale du restaurant. Comme si le temps n’avait pas de prise sur les chapiteaux mordorés, les légers dessins des frises plafonnières qui contrastent avec l’immense lustre central scintillant. Mais la révolution est au bout du couloir. Le nouveau foyer tranche totalement avec cette décoration traditionnelle. L’intérieur inventé par l’architecture et designer Piero Lissoni luit de toutes parts. Le cabinet d’architecture, habitué des décorations épurées comme pour l’Hôtel Monaco & Grand Canal de Venise et le Conservatorium Hotel d’Amsterdam, change les perspectives et rend le bar presque aérien. Le reflet des bouteilles chamarrées sur fond safrané donne encore plus d’importanceà la pause cocktail. Ce lounge précieux et délicat est, selon l’aveu du chef lui- même, sa salle préférée. Mais c’est dans une cuisine ouverte, qu’il guette et dispense ses derniers conseils pour avoir le plat le plus abouti possible en partance vers la salle.
D’une odyssée gastronomique spéciale à une aventure spatiale
La star du lieu c’est aussi le menu entregrill et plats japonais, où les deux points cardinaux – l’ouest et l’est – s’épousent sous le même méridien gourmet. Sushis au saumon fumé au gin redessinent les bases de ce mets japonais mille fois dégusté, mais jamais égalé, avecici des arômes plus moelleux, moins pescaliens, plus merveilleux. C’est sans doute cela, le don de Laurent Tourondel: jeter un soupçon de magie sur ces beaux ingrédients dénichés ici et là sur l’île britannique. Les coquilles St Jacques de l’Île de Skye trônent au centre d’une farandole verdoyante constituée de fèves et pois mange- tout, dans une salade acidulée au yuzu. Tout aussi divin, le poulpe grillé fait pétiller ses épices sur les pommes de terres de Jersey. Si Nadia et Florent savent guider avec allégresse les envies gustatives vers le plat qui restera inoubliable et le cocktail qui peut chatouiller le palais avant repas, le sommelier Mateusz sait ouvrir les horizons. En accompagnement des premiers plats, deux belles surprises. Un Nyetimber du Sussex, brut mais très fin en bulles et un blanc Albariño aux arômes de citron, pêche et d’abricot, importé de la province espagnole de Rias Baixas, une contrée venteuse mais aux degrés parfaits pour voyager encore.
Ne faites surtout pas l’impasse sur l’étape grill. La pièce de bœuf d’Aberdeen et les gambas ont ravivé sous la flamme le sublime du produit. Fondante sous le couteau, agrémentée d’aubergines braisées légèrement épicées, la viande fumée a de grandes chances d’être à jamais cristallisée sur vos papilles et dans votre mémoire.Cette haute couture gastronomique finit en beauté avec orange givrée, tarte au chocolat et croquant au chocolat au lait et beurre de cacahouète. Ce dernier, fondant sous sa sauce gourmande familière au chef installé aux États-Unis, est une pure merveille.
En transit entre deux pays, maistoujours un verre de Porto vieux de 20 ans à la main, le gourmand peut se demander en quel temps bienheureux il vit. En bon épicurien, le voyageur ou le Londonien poussera aussi les portes du bar pour savourer les breuvages dédicacés à David Bowie et vivre auplus près une «Space Oddity»!
©SolèneLanza
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