Cette semaine Londres Mag vous plonge dans la sombre histoire criminelle de Londres, territoire de Jack l’Eventreur et source d’inspiration d’Agatha Christie. Londres a notamment abrité John Reginald Christie, un des serial killers le plus connu du Royaume-Uni.
Sixième enfant d’une famille qui en comptait seize, John Christie connut une enfance difficile. Outre une relation compliquée avec son père aussi austère que sévère qui le punissait durement pour des broutilles, John est également maltraité par sa mère et ses grandes sœurs. Vers l’âge de huit ans il est surpris à ouvrir le cercueil de son grand-père qui vient de mourir, il dira quelques années plus tard que cela ne l’a pas perturbé ou inquiété. A 11 ans John Christie remporte une bourse pour aller étudier au collège d’Halifax ce qui lui permet de s’éloigner de sa famille. Particulièrement brillant en mathématiques et en algèbre, son quotient intellectuel sera mesuré à 128. Au cours de son adolescence il connaîtra ses premiers problèmes sexuels. Très tôt John Christie avait associé la sexualité à la domination, la mort et la violence ce qui le rendait impuissant à moins d’avoir un contrôle total. Il fut très vite affublé de surnoms tels que « Reggie-p’tite-bite » ou « Christie-qui-peut-pas ». Après avoir servi pendant la Première Guerre mondiale, John Christie épousa Ethel Waddington en 1920. Souffrant toujours de problèmes d’impuissance, il fréquentait des prostituées ce qui poussa le jeune couple à se séparer quatre ans plus tard et John à partir pour Londres.
Christie à Londres, naissance d’un meurtrier
Les débuts londoniens de Christie furent marqués par de nombreux séjours en prison pour vols et agressions. En 1933, à sa sortie de prison, John et Ethel se réconcilièrent. Malgré cela, il continua de fréquenter des prostituées pour assouvir ses besoins sexuels devenus de plus en plus violents. En décembre 1938 le couple emménagea au désormais célèbre appartement du rez-de-chaussée du 10 Rilligton Place. Durant la Seconde Guerre mondiale, Christie rejoignit les forces de police et fut affecté au poste d’Harrow Road. Il démissionnera après son premier meurtre. La vague meurtrière de Christie commença en 1943 et s’étendra sur 10 ans. S’il étrangla sa première victime Ruth Furest alors qu’ils étaient en train d’avoir des relations sexuelles, il intoxiqua la plupart de ses victimes au gaz afin de les rendre inconscientes avant de les étrangler et de les violer. La première victime de ce mode opératoire fut une des ses collègues à qui il avait promis de soigner une bronchite. Christie enterra ses deux premières victimes dans le jardin de son immeuble.
Les deux meurtres qui firent la renommée de Christie furent ceux de Beryl et Géraldine Evans. En 1949, une jeune couple qui venait d’emménager au 10 Rillington Place fit appel à Christie pour pratiquer un avortement. Le soir quand Timothy Evans rentra chez lui, Christie lui dit que sa femme Beryl était morte durant l’opération et qu’il avait dû cacher le corps. En réalité il l’avait intoxiquée au gaz avant de l’étrangler et de la violer. Il lui conseilla de rejoindre sa famille au Pays de Galles et de lui laisser sa fille Géraldine. Quelques jours plus tard, Timothy se rendit à la police où il avoua avoir tué sa femme accidentellement en voulant la faire avorter avant de cacher son corps dans la fosse septique de l’immeuble. Après que les policiers aient découvert qu’il était impossible pour un homme seul d’ouvrir le couvercle de la fosse, il leur raconta la vérité en leur disant que Christie lui avait conseillé de partir après que l’opération ait mal tourné. Au début du mois de décembre, les policiers retrouvèrent les corps de Beryl et Géraldine dans le lavoir de l’immeuble. Timothy avoua alors au policier avoir étranglé sa femme lors d’une querelle puis avoir étranglé sa fille quelques jours après, mettant donc Christie hors de cause. Si Evans revint ensuite sur ses condamnations, il fut néanmoins condamné à la peine de mort. Christie fut un témoin-clé de l’accusation et son témoignage permit de condamner Timothy Evans qui fut pendu le 9 mars 1950.
Suite au procès, les antécédents criminels de Christie furent révélés et il perdit l’emploi qu’il occupait à la Poste depuis quatre ans. Il entra alors dans une dépression qui lui fit perdre plus de 10 kilos. Le 14 décembre 1952, il assassina sa femme Ethel dans son lit et cacha son corps sous le plancher. Il fit croire à ses connaissances à Londres qu’elle était rentrée voir sa famille à Sheffield et il écrivait des lettres à cette dernière de la part de Ethel qui, disait-il, souffrait de rhumatismes. Christie vendit d’abord les effets personnels de sa femme avant de vendre la quasi-totalité de ses meubles, ne gardant que quelque chaises, une table et un matelas pour dormir. Entre le 19 janvier et le 6 mars 1953, Christie tua trois nouvelles femmes après les avoir attirées chez lui, intoxiquées au gaz, étranglées puis violées. Il cacha les corps dans une alcôve de sa cuisine qu’il recouvrit de papier peint. Il quitta alors précipitamment le 10 Rillington Place et le nouveau locataire découvrit rapidement les corps cachés dans la cuisine. Une chasse à l’homme fut alors déclenchée pour trouver Christie qui fut arrêté le 31 mars.
Une renommée qui s’inscrit dans la culture populaire
Durant sa détention, Christie reconnut les meurtres des femmes dont les corps furent découverts dans sa cuisine ainsi que celui de Beryl Evans mais pas celui de Géraldine Evans. Lors du procès pour le meurtre de sa femme, Christie plaida la folie mais sa demande d’irresponsabilité fut rejetée. Le 15 juillet 1953 il fut pendu. Si huit victimes sont attribuées à Christie, le nombre pourrait en réalité être plus élevé. En effet, une collection de poils pubiens a été découverte dans son appartement et certains ne correspondent pas aux victimes, rendant probable l’existence d’autres victimes encore inconnues. Ce qui fit la renommée de Christie fut la condamnation de Timothy Evans et son exécution pour un meurtre qu’il n’avait pas commis. Bien que Christie ne reconnut jamais le meurtre de Géraldine Evans, l’opinion publique le considéra largement comme étant le coupable. Timothy Evans fut ainsi gracié à titre posthume en 1966. Suite à cette affaire, la peine du mort fut suspendue en 1965 avant d’être abolie définitivement en 1998. En 1954, le 10 Rillington Place fut renommé avant d’être détruit définitivement en 1970. L’emplacement de l’immeuble est désormais occupé par un petit jardin. Signe de l’importance de cette affaire dans l’histoire anglaise, l’exécution de John Christie est représentée dans la Chambre des horreurs du musée de Madame Tussauds.
Pour aller plus loin ….
Outre de nombreux livres, l’histoire de John Christie a également été portée sur écran en 1971 dans le film 10 Rillington Place de Richard Fleischer et a aussi inspiré une série de la BBC en 2016 intitulée Rilligton Place. Son histoire a investi les planches en 1969 avec Christie in Love.
Julien Troussicot