L’artiste connu des plateaux de cinéma fait partie des créateurs de l’exposition Beyond Reality. Une exposition déroutante entre statues réalistes et personnages de science-fiction que John Humphreys a commentée aux côtés de Londres Mag.
Dans les Beaux-Arts comme dans la mise en scène, John Humphreys est le roi. Ses sculptures au réalisme renversant ont peuplé les plateaux de Doctor Who, Charlie et la Chocolaterie ou encore Alexandre. Mais le créateur aux yeux perçants, lauréat d’un BAFTA, pose aussi son regard sur les contemporains pour en divulguer une vision alternative.
Pourquoi avez-vous choisi, pour cette exposition, de travailler uniquement sur la déformation des visages ?
Cela date de l’époque où j’étais encore étudiant, membre d’un films club, et la scène d’ouverture se faisait sur des images déformées, cela m’intriguait. J’ai gardé ce souvenir dans un coin de ma tête. Il s’est réveillé quand j’ai travaillé sur le projet Max Headroom dans les années 80. Il n’y avait pas de réalisation numérique et tout a été fait avec des prothèses en maquillage que j’ai sculptées pour une image en 2D. La façon de procéder n’a jamais été proposée au public et cela était dommage. C’est là où j’ai commencé à penser à la distorsion de l’image. Il ne faut pas oublier qu’avec ce système, votre cerveau va chercher à corriger ce rendu. J’essaie de transformer le visiteur en acteur de la création car je lui présente un problème visuel, et c’est à lui de modifier cette vision mentalement et d’envisager un instant l’art comme un sculpteur. Un peu comme en état de choc. Semblant venir d’un univers parallèle.
Dans cette exposition, vous présentez une galerie de personnages très différents avec notamment un bébé nommé Baby Jesus ou Mick Fleetwood de Fleetwood Mac. Pourquoi avoir choisi un panel aussi différent ?
Quand je travaillais sur Baby Jesus, j’avais beaucoup d’images de nourrissons en tête. Quand j’ai mis la touche finale, j’ai subitement réalisé la référence initiale, l’image mentale. J’ai retrouvé un album familial dans lequel j’ai vu une image de mon feu frère enfant. Voilà, elle était là, la référence. Cela se passe sous effet de choc. Je jure que cela n’était pas conscient. Pour Mick Fleetwood, c’était une commande. Je l’ai rencontré et il ne m’est pas apparu comme une grosse rock star mais comme un pur gentleman et très très grand ! C’est à cause de sa taille, que j’ai dû étirer son visage. Il a une figure très intéressante qui est semblable à celles datant de l’époque de Charles I°.
Comment avez-vous travaillé sur le portrait de la Reine ?
J’ai ingurgité beaucoup d’images notamment sur internet pour que cela rentre petit à petit en moi. Ce travail m’a demandé beaucoup de concentration et d’attention. Ses cheveux notamment ont été incroyablement difficiles car sa coiffure est stylisée d’une façon si personnelle ! C’est sa marque d’autorité, c’est une couronne en elle-même. Quand j’ai montré la silhouette de la sculpture, tout le monde m’a répondu : la reine ! Elle est unique avec ses boucles argentées. Le plus difficile a été les détails dans la peinture, toutes ces lignes avec un contraste à ajouter touche par touche. pour donner plus de relief et de qualité au cheveu.

©Charlène Moreno
En effet tous vos portraits font preuve d’un réalisme spectaculaire. Comment travaillez-vous pour donner cette impression d’humaniser vraiment la matière ?
J’utilise de la plastiline, une cire employée dans la sculpture. Après la création du moule, je coule une fibre de verre pour garder le côté translucide. Quand il s’agit de peinture, cela se joue grâce au travail du vernis pour rajouter de la profondeur à la peau. Les yeux sont en résine avec un ajout de pigments naturels. C’est à moi de manipuler la résine comme de la peinture, quand les yeux sont terminés, il faut rajouter un glaçage en acrylique. Difficile de calculer le temps de création cela dépend du portrait et de la facilité de création. Il faut voir la vraie personne avec une étude impressionnante de vidéos pour cerner au mieux les expressions, le regard. Cela peut durer quelques mois comme trois ans pour la Reine.
Quels sont vos prochains projets ?
Je travaille sur les portraits de Donald Trump et Vladimir Poutine ensemble. Ils sont tous les deux très différents et en même temps, des leaders de deux pôles opposés. Du coup, un est long, l’autre large pour souligner cette opposition. J’ai aussi un projet sur la crucifixion sans vision religieuse mais avec un oeil plus objectif, un travail 60 fat distordu en long et en large. J’ai juste fini le dessin, ce sera une image très forte. J’aime me concentrer sur des sujets très différents comme les jardins pour les Gardens shows. A Hampton Court Flower Show, c’est une manière de refléter ma vision de l’espace, de façon abstraite et cela a marché car nous avons gagné une Gold Medal. Je vis sur la plage et je voudrais exprimer cette plage de façon sculpturale, un mélange entre amour de la nature et intérêt scientifique.
PRATIQUE
Beyond Reality
Jusqu’au 28 décembre
134 New Bond Street, London W1S 2TF