Et si les personnes sans domicile fixe utilisaient leurs connaissances sur la capitale britannique pour gagner de l’argent ? C’est toute l’idée des Unseen Tours, lancée par un petit groupe de volontaires en 2010. Alors que certaines entreprises comme Prêt À Manger ont développé des programmes pour lutter contre le sans-abrisme, The Unseen Tours permet à ceux qui n’ont pas de toit d’organiser des visites guidées.
Ils s’appellent Viv, Henri, Pete, Nic… et ils connaissent tous le goût d’une nuit dehors. La détresse après la perte d’un travail, une séparation. Sans-abris, un autre point commun les réunit : ils font visiter aux touristes la ville de Londres. Soho, Covent Garden, Shoreditch, Brick Lane, London Bridge… Après tout, qui connait mieux les rues de la capitale, si ce n’est ceux qui y dorment ? Cette parfaite combinaison porte un nom : « The Unseen Tours ». Lancée en 2010, l’entreprise sociale propose aux 170 000 SDF londoniens une porte ouverte pour se réinsérer dans la société.
Le coût d’une promenade ? 15 livres, dont 60% revient directement au guide. The Unseen Tours fournit aussi un téléphone portable et une oyster card pour le tube. « Selon les périodes, ils peuvent gagner entre 300 et 1000 livres par mois », détaille Albert Kurniadi, directeur de la compagnie. Avec son équipe de volontaires qui se comptent sur les doigts d’une main, il a permis à cinq sans-abris d’ouvrir un compte bancaire – et ces mêmes personnes ont d’ailleurs pu retrouver un toit.

Viv prend en charge la visite de Covent Garden. © The Unseen Tour
« Le dialogue, la sensation de transmettre aux autres les transforment »
Pour pouvoir travailler, quelques critères sont toutefois indispensables. Chaque individu doit montrer sa motivation, son sérieux et surtout, suivre une formation au cours de laquelle il devra proposer un “script” de sa visite. « Il leur faut parfois plusieurs mois pour se sentir sûrs d’eux, mais nous sommes là pour leur apporter le soutien dont ils ont besoin. Surtout, nous leur expliquons que s’ils se plantent, ce n’est pas grave ! », souligne le fondateur. Boho chic, punk, hipster… les guides « viennent comme ils sont ». L’authenticité est indissociable de l’expérience. « Ils donnent aux touristes une véritable expertise historique et les anecdotes qui entourent leurs quartiers. Le dialogue, la sensation de transmettre aux autres les transforment. Certains retrouvent leur propre estime jusqu’à se sentir capables de trouver un travail à temps plein. »
Henri est le spécialiste de Shoreditch. Devenu sans-abri après une rupture, il raconte : « Je suis heureux que la vie dans la rue ne m’ait pas plongé dans la drogue ou l’alcool. J’espère donc qu’en me rencontrant, les gens pourront repenser les stéréotypes qui entourent le fait d’être sans-abri – nous ne sommes pas tous si mauvais. » « I’m just happy that life on the street hasn’t put me in the situation where I’m a drug user or heavy alcoholic. So I hope that by meeting me people might re-think stereotypical perceptions of what it means to be homeless – not all of us are so bad. »
Émilie Moulin