Egalement appelé bouffon voire fou, un clown n’est pas que drôle, il est complexe et n’a pas d’âge. Le cliché serait de penser qu’il y a les clowns de cirque ou les clowns d’anniversaire et basta. Et bien, il y aussi les acteurs expressifs qui restent clownesques.
Les aïeux et novateurs: Polichinelle, Arlequin et Pierrot seraient d’accord sur le sujet, dans l’art du clown tout est possible! Grâce à une connexion profonde, une ultime précision, ce travail d’orfèvre est digne d’un sportif de haut niveau. L’artiste se met à nu, au sens figuré bien sûr, quelque soit l’œuvre et partage sa palette d’émotions, souvent sans un mot, mais parfois avec des sons. Le clown n’a pas froid aux yeux. Pas de crainte, le Joker n’est pas parmi nous et si c’était le cas, il saurait s’intégrer à notre conversation et resterait calme et attentif. Puisque chaque clown sur cette planète vient avec une histoire, il est important de savoir que chacun des artistes a une identité qui lui est propre, un visage unique et peut être seul ou en groupe.
Le premier s’appelait Joseph Grimaldi (1778-1837); Boum Boum, FOOTIT et Chocolat, Bario, PIPO et Rum ou Charlie Rivelli arrivèrent ensuite.
Le mot ‘clown’ vient du mot germanique ‘klönne’, et signifie paysan, fantaisiste, amuseur. Il remonte aux bouffons et aux mimes de l’Antiquité, aux fous des cérémonies médiévales, aux baladins du théâtre, même aux personnages de la commedia dell’arte, style célébré par notre trésor national à nous, Molière, qui présentait parfaitement un comédien avec un masque et un costume immuables. Le clown a trouvé sa raison d’être et a peaufiné une technique reconnue et présente dans les plus grandes écoles d’art dramatique du monde et est encore adopté par de nombreux comédiens et comédiennes. Encore faut il trouver son type de clown !
Le clown blanc, le plus ancien est dérivé du personnage de Pierrot, son maquillage est blanc, habituellement avec des traits faciaux accentués tels que les sourcils soulignés en noir. Le maquillage a été conçu à l’origine par Joseph Grimaldi en 1801. C’est une âme solitaire, digne, autoritaire, sophistiquée, lunaire. L’auguste, quant à lui, est plus libre d’esprit, grossier, plutôt farceur, sans filtre et aussi appelé clown rouge. Multiples duos restent à ce jour sur ce format idéal de dynamique. L’auguste est souvent préféré des plus petits ou des papas gâteaux, et il est parfait en duo avec un clown blanc. Le contre-pitre est un acolyte de l’auguste, l’orgueilleux, même plus gaffeur et celui qui, grâce à ses bouffonneries, relancera les rires, il est celui que le public comprendra par ses actions proches de notre existence. Enfin, il y a le personnage comique qui lui adopte un caractère extravagant d’un certain type comme un boulanger, boucher, policier, une ménagère ou un clochard. Les meilleurs exemples de ce type de clown sont les clochards de cirque Otto Griebling ou Emmett Kelly. Bien sûr, Red Skelton, Harold Lloyd, Buster Keaton, Charlie Chaplin et Sacha Baron Cohen correspondent chacun à la définition parfaite d’un clown de personnage. Leur maquillage commence sur une base de couleur chair et il peut faire usage de tout accessoire comme des lunettes, verrues, moustaches, grandes oreilles, coupes de cheveux étranges et barbes aux taches de rousseur…
Qui use de ce style outre-manche?
Des artistes qui ont connu leurs moments de gloire, des physiques atypiques ou non conventionnels et surtout des comédiennes et comédiens qui continuent d’impliquer leurs corps dans leurs rôles, avec la même rigueur qu’un clown sur la piste.
Olivia Colman est un exemple parfait de personnage comique ayant aussi l’aptitude incroyable de se fondre en clown blanc. Plus récemment connue pour The Crown ou Oscarisée pour The Favourite, où elle représente des figures politiques dures, ternes, tristes et solitaires. Son ton sarcastique, ses yeux vifs expressifs sont des atouts, tout comme son habilité clownesque à vivre ses rôles aussi bien comiques que dramatiques entièrement, de la tête au pied. Brillante en journaliste Sasha Solomon, sans filtre dans Bruiser
Imelda Staunton, une actrice anglaise de théâtre et de cinéma. Cette dernière a été acclamée par la critique pour sa performance dans le rôle-titre dans Vera Drake de Mike Leigh, pour laquelle elle a remporté le BAFTA de la meilleure actrice dans un rôle principal, en plus d’être nominée pour l’Oscar, le Golden Globe et le SAG Award comme meilleure actrice. Largement connue du public aussi pour son rôle de la tortionnaire Dolores Ombrage dans Harry Potter et l’Ordre du Phoenix, Staunton est certainement une actrice surprenante, sachant captiver le public sur le petit, et grand écran mais aussi dans des comédies musicales. L’adorable et naïve Bernadette dans Chicken Run, Mademoiselle Blatherwick dans Nanny McPhee, la fée Hortense dans les deux Maléfique, et bientôt la Reine Elizabeth II dans les saisons 5 et 6 de The Crown. Sa carrière est une montagne russe de rôles en tous genres.
Zoom sur Helena Bonham Carter, excentrique de haut rang, connue pour ses rôles dans des films indépendants à petit budget et des superproductions de grande envergure. Elle a été nominée pour l’Oscar de la meilleure actrice pour son rôle de Kate Croy dans Les Ailes de la Colombe et pour l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle et a remporté le BAFTA pour Le Discours d’un Roi. Bellatrix Lestrange, Madame Thénardier, la marraine fée dans Cendrillon ou Princesse Margaret lors des saisons 3 et 4 de The Crown, rien n’est trop difficile pour l’actrice qui sait trouver une démarche ou une voix pour chacun de ses personnages.
Miriam Margolyes, la star célèbre pour son franc-parler a admis: “Je ne pense pas être prise aussi au sérieux en tant qu’actrice. Mais si vous demandez à n’importe quel acteur, il vous le dira.” Margolyes possède à la fois la nationalité britannique et australienne. Après plusieurs seconds rôles au cinéma et à la télévision, elle remporte un BAFTA pour son rôle de Mademoiselle Mingott dans The Age of Innocence mis en scène par Martin Scorsese et est mondialement connue pour le rôle du professeur Chourave dans la saga Harry Potter. Sa filmographie impressionnante varie de rôles purement burlesques en Tante Eponge dans James et la Pêche Géante au prêt de sa voix dans les films Babe, Happy Feet ou Le Royaume de Ga’Hoole. Naturellement comique, elle a aussi fait une tournée mondiale avec le spectacle seule en scène Dickens’ Women. Un pur délice !
Passons aux hommes, avec Charles Chaplin, le clown silencieux du clochard ou the tramp, qui a eu le genre d’enfance que l’on s’attendrait à retrouver dans un roman d’un autre Charles; Dickens. Il disait : “Je ne reste qu’une chose et une seule, et c’est d’être clown. Cela me place sur un plan beaucoup plus élevé que n’importe quel politicien.” Cet artiste aux talents multiples, aussi engagé à raconter des histoires poignantes et universelles restera gravé dans les esprits de tous grâce à ses oeuvres intemporelles. Aussi bien dans The Kid où sa complicité avec le très jeune Jackie Coogan est d’une tendresse sans précédent, qu’en Hitler dans Le Dictateur, une œuvre impactante et offrant l’un des monologues les plus emblématiques.
Présentons désormais Rowan Atkinson, un comédien et scénariste anglais surtout connu pour son utilisation du comique physique dans son personnage marquant dans le sitcom Mr Bean. Inscrit comme l’un des 50 acteurs les plus drôles de la comédie britannique. Rowan Atkinson souffre de bégaiement, et la sur-articulation est une technique qu’il emploie pour surmonter les consonnes problématiques. Son style souvent visuel a été comparé à celui de Buster Keaton, le distinguant de la plupart des comiques de télévision, de cinéma modernes, et qui l’a conduit à être appelé ‘l’homme avec le visage en caoutchouc’. Une façon de nous divertir et de montrer que sans mots l’acteur est fascinant. Superbe!
Sacha Baron Cohen ou le baron Cohen parle couramment l’hébreu. Il a fait un petit voyage vers Paris à l’Ecole du (gourou) Philippe Gaulier où ses anciens élèves incluent aussi Emma Thompson ou Helena Bonham Carter. Ali G, Borat, Brüno, Aladeen, Monsieur Thénardier face à Bonham Carter, le barbier italien Pirelli dans Sweeney Todd ou Le Temps dans Alice de l’autre côté du miroir, Monsieur Cohen s’affiche comme le personnage comique fondamental essentiel au cinéma, d’aujourd’hui, créant des personnages hauts en couleur tout comme il le ferait sur scène. Un plaisir !
Andy Serkis, un acteur, narrateur et réalisateur anglais, célèbre et adulé pour ses rôles de capture du mouvement et son travail vocal pour ses personnages uniques comme Gollum de Le Seigneur des Anneaux et Le Hobbit, en singe protecteur dans King Kong, Caesar dans La Planète des Singes, Capitaine Haddock dans Tintin de Steven Spielberg et Supreme Leader Snoke dans deux films de la saga Star Wars. Déjà très éclectique, montrant que la personnalisation des animaux ou êtres fantastiques n’est pas impossible pour un comédien. En 2018, il a interprété le personnage de Baloo dans son film auto-réalisé, Mowgli: Legend of the Jungle. Serkis est l’un des acteurs les plus versatiles de tous les temps et son travail d’expression traverse les prouesses technologiques.
Les deux derniers restent des joyaux, non de la Reine, avec un jeu clownesque au delà du texte! Ce sont Stan Laurel et Oliver Hardy, un duo de deux augustes usant de leur parfaite connection afin de divertir un public large. Des films simples, sincères, aux valeurs justes, qui demeurent des pépites à re-découvrir. Une belle leçon de comédie et d’expression, ils réussissent toujours à transmettre les émotions nécessaires sans un seul mot. Comme dans The Flying Deuces, datant de 1939.
A propos de l’auteur
Ludovic Coutaud est passionné de jeux.
Acteur, metteur en scène, producteur mais avant tout créatif, il a toujours un tour dans son sac pour mettre le Lunatic Clown sur le devant de la scène et de l’écran. Entre Marseille, New York et Mexico et le Japon, il fait à présent escale dans les pages de Londres Mag pour partager sa passion pour le cinéma et l’entertainment. Il vient de sortir ‘A Lively Journey Through Plays’. Retrouvez-le sur son site et ses réseaux sociaux.