“J’ai toujours l’impression d’être un OVNI ici” Mathieu Boogaerts, chanteur français à Londres

Cette semaine, la rédaction vous propose de faire la rencontre de l’auteur, compositeur et interprète français Mathieu Boogaerts. Actuellement en promo pour la sortie de son huitième album “En Anglais”.
Mathieu a plus de 20 ans de carrière et a établi son nom dans le paysage de la chanson française et a également écrit pour des artistes telles que Luce, Camélia Jordana ou Vanessa Paradis. Il y a 5 ans, le chanteur décide de s’installer à Londres avec sa famille. Son huitième album solo, qui sortira le 26 février, représente son goût de l’aventure et s’inspire de son émerveillement par la capitale britannique. Nous avons eu l’occasion de discuter avec lui de son projet et de son expérience de la vie londonienne.
Londres Mag: Quel est le cheminement derrière votre single “Am I crazy”?
Mathieu Boogaerts: C’est une chanson contemplative. Je ne décide jamais d’écrire une chanson. Ca arrive toujours un peu comme ça, sans que je ne cherche. Je me dis “ah, c’est marrant ce truc là j’aime bien…” et après ca devient du travail, mais au début ça arrive tout seul. Il y a des moments comme ça où le moindre détail nous émeut. “Am I crazy” décrit ces instants un peu rares d’exaltation.
LM: Pourquoi avez vous choisi de vous installer à Londres?
MB: C’est vraiment un hasard. Ca aurait pu être Lisbonne, ça aurait pu être Oslo, ça aurait pu être Barcelone. Je connaissais très peu Londres, mon expérience se résumait à une journée symbolique tous les trois ans où je faisais le mastering de mes disques, qui est l’étape finale et très importante dans un projet. En l’occurence il y a une ingénieure que j’aime beaucoup à Londres et en 2 ans, j’étais venu 7 fois pour 24 ou 48h. Une fois le mastering fini je passais le reste de ma journée comme ça. Je trouve cette ville très exotique.
LM: La plupart du temps lorsqu’on parle d’exotisme, on pense plutôt à des contrées lointaines…
MB: C’est une transformation. L’exotisme, c’est le dépaysement. C’est vrai qu’on l’attribue plutôt à des palmiers, à un climat tropical, mais le pôle nord ca peut être très exotique! Pour moi, c’est le comportement des gens, à quoi ils ressemblent, le mobilier urbain, les lumières, l’architecture… Tout. Au bout de 4 ans et demi, à chaque fois que je sors de l’Eurostar d’un côté ou de l’autre, je me dis toujours que ce sont vraiment deux planètes différentes, Paris et Londres. Je trouve ça génial de se dire qu’en deux heures de trajet, on change de rapport au monde, on change de cadre. Tout évolue, et tout change. En l’occurence, le contraste Paris/Londres je le trouve particulièrement saisissant.
LM: Quelles a été votre expérience en tant que chanteur français en Angleterre?
MB: Je n’ai pas fait de musique anglaise. Je ne me suis pas dit “tiens, je vais faire de la pop anglaise, je vais prendre tel son pour faire comme les anglais”. J’ai fait de la musique telle que je la vis, je la vis différemment aujourd’hui qu’il y a 5, 10 ou 15 ans. Si le lieu a une incidence sur moi, c’est très inconscient. En tant qu’auteur, mon seul projet était d’écrire dans une langue qui n’était pas ma langue maternelle mais il fallait malgré tout que je puisse vivre et incarner ces chansons sans faire semblant d’être un anglais. Mais ce qui m’a marqué, c’est de faire des concerts devant des anglais. J’ai fait une résidence une fois par mois au Servant Jazz Quarter à Dalston, un petit club. C’était touchant.
LM: Et en ce qui concerne votre expérience en tant que citoyen français à Londres?
MB: Je ne peux pas citer une chose, je pourrais en citer cent mille. C’est une expérience très forte, très puissante et très remuante d’être expatrié. Ca remet tout en perspective, et maintenant je vois les étrangers d’une manière différente. Il n’y pas une journée où je ne me demande pas pourquoi les anglais sont comme il sont, pourquoi il y a tant de différences. Est-ce que c’est parce que c’est un pays protestant qui a rompu avec Rome au XVIème siècle? Est-ce que c’est le fait que les anglais ont gagné plein de guerres que nous avons perdues? C’est une fascination de tous les jours. Je me suis dit que si jamais je dérushais les bandes de caméras de surveillances dans les rues qui me voyaient passer, on verrait la façon dont je marche à Londres encore après 4 ans, totalement émerveillé. J’ai toujours l’impression d’être un OVNI ici.
LM: Quel est votre lieu préféré dans la capitale?
MB: Ca peut paraître cliché, mais ce que j’aime c’est la rue que je ne connais pas encore. J’adore découvrir. J’ai toujours aimé la balade, l’aventure. Même à Paris, que je connais mieux, il y a toujours une aventure au coin de la rue si on la veut. Je pourrais citer les endroits que j’aime, mais je préfère ceux que je n’ai pas encore découvert.
LM: Le mot de la fin?
MB: J’ai décidé de quitter Londres. Pour l’instant j’y ai encore ma maison, mais meubles, mais c’est un deuil très difficile à faire. C’est comme se séparer de quelque’un. Il y a toujours une hésitation, on se demande “est-ce que ca va me manquer, est-ce que je ne fais pas une connerie”… Je ne regrette pas d’être venu, mais quand ça doit s’arrêter c’est vraiment violent.